L'orthoténie
Le mot orthoténie vient du grec ορθοτενης signifiant "tendu en ligne droite". Il désigne une théorie selon laquelle les observations de soucoupes volantes d'une même journée, surtout celles de 1954, s'alignent, et éventuellement, rayonnent autour d'une étoile centrale. En pratique, il faut comprendre que ces observations se disposent sur des lignes droites sur une carte, mais suivent, en fait, de grands cercles de la sphère terrestre.
C'est la découverte d'Aimé Michel, publiée en 1958. Il professait aussi que l'étoile centrale s'ornait d'un grand cigare vertical, et que les croisements d'alignements s'ornaient de l'observation d'une chute en feuille morte.
Hélas, on découvrira bientôt que les communes dont le nom dériverait d'Alésia, s'alignent aussi, et même que des points jetés au hasard s'alignent tout aussi bien. Pire, on découvrira ensuite, que les dates prétendues des observations étaient fausses, et les alignements avec. Enfin, avec les mêmes observations, on trouvait tout aussi bien des cercles ou des triangles isocèles.
La découverte
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Pendant la vague de soucoupes volantes de l'automne 1954, Aimé Michel accumula une abondante documentation sur la base des journaux disponibles à Paris, Mais ensuite, il se trouva devant un fatras d'observations disparates, où il était bien en peine de séparer le bon grain de l'ivraie. Sur la suggestion de Jean Cocteau, il reporta les lieux d'observation sur une carte de France. Mais rien n'apparaissait qu'un fourmillement de points. Tenter de ne garder que les cas les plus fiables, ou classer les observations en diurnes et nocturnes ne donnait rien non plus.
Finalement, il choisit d'étudier ces observations à plus grand échelle. Dans celles de Franche-Comté, il découvrit enfin quelque chose: un alignement de cinq observations datant de la même journée.
Les réseaux
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Une fois découvert qu'il ne fallait étudier que les observations d'une même journée, il apparut qu'on trouvait d'autant plus d'alignements qu'il y avait eu plus d'observations ce jour là. Dès qu'on en arrive au mois d'octobre c'est "le grand jeu", comme l'écrira Aimé Michel dans son livre.
Apparait alors un nouveau phénomène: Non seulement ces alignements forment un réseau complexe, mais beaucoup d'entre eux convergent vers un centre, formant une sorte d'étoile.
Mieux: L'observation en ce centre est celle d'un grand cigare vertical, comme celui observé à Vernon, qui semblait larguer des soucoupes. Il est alors bien tentant d'interpréter ce centre comme un point de ralliement.
L'accueil fait à l'orthoténie
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L'accueil fait à l'orthoténie fut variable suivant le milieu où cette théorie se présenta. On devine que cette théorie fut mieux accueilli chez les futurs lecteurs de la revue Planète qu'à l'union rationaliste. Pour le grand public, qui ne savait pas trop quoi en penser, c'était nouveau et intéressant. Quelques revues nous en parlent.
Paris Match nous décrit l'auteur, son travail, sa découverte, les encouragements qu'il reçut et finalement, sa satisfaction.
Le plus étonnant est peut être de trouver un bon résumé de la théorie dans Meccano magazine, une revue destinée aux adolescents fans de meccano.
BAVIC et la bavicomanie
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BAVIC, c'est l'alignement BAyonne-VIChy. Il paraissait vraiment improbable, mais il semblait bien exister. Un commandant de gendarmerie qui s'occupait des relations publiques, tout en reconnaissant "y'a quelque chose" (à propos des OVNI), se méfiait de cet engouement bizarre pour BAVIC. Ces six points alignés paraissaient irréfutables, mais on extrapolait beaucoup. On étendit l'alignement, on lui chercha une signification géophysique, on y trouva une norme, on y chercha des observations récurrentes, on y chercha un peu n'importe quoi, et même une corrélation avec les lieux cités par Nostradamus.
Et puis un jour, on découvrit que BAVIC n'existait pas.
l'orthoténie globale et les grands cercles
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Quand on sut que l'alignement Bavic se prolongeait au delà des frontières et que de nombreux cas d'observations, et même d'atterrissages se trouvaient dessus, on imagina que BAVIC était, en fait, un grand cercle témoin d'une activité soucoupique permanente.
Du coup, il était bien tentant d'imaginer que d'autres alignements importants étaient, eux aussi, des grands cercles d'activité permanente. On entreprit donc de calculer ces grands cercles, et de relever toutes les manifestations d'OVNI sui de seraient produites dessus.
On crut même découvrir le nombril du monde quand on s'aperçut que trois alignements se recoupaient sur un innocent hameau du Puy-de-dome.
SOUPO (Southend-Po di Gnocca)
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Bien que l'alignement de Southend à Po di Gnocca ne fasse que 5 points, alors que BAVIC en faisait 6, cet alignement fut largement utilisé comme preuve de la validité de l'orthoténie, car il formait un arc de grand cercle s'étendant sur 1100 km, de l'angleterre à l'Italie. On le retrouve dans divers articles de presse présentant la découverte d'Aimé Michel, comme celui de Paris-Match.
Beaucoup d'ufologues en ont pieusement étudié le tracé, car il semblait, comme BAVIC, être le siège d'observations récurrentes.
Malheureusement, pas plus que BAVIC, il ne résiste à une analyse approfondie, car non seulement les dates sont fausses, mais les localisations aussi.
Haro sur l'orthoténie
La roche tarpéienne n'est pas loin du capitole disait un proverbe. Après une phase de construction progressive de respectabilité et d'enrichissement pour l'orthoténie, on va observer (et même pendant la phase précédente) une phase de déconstruction de la crédibilité de la thèorie, qui va subir des attaques frontales, comme celle de Donald Menzel, mais aussi un grignotage progressif de la pertinence de ses preuves.
Par exemple, la ville d'Ussel est bien sur l'alignement Bayonne-Vichy, Mais Ussel n'est que le siège du journal local, et l'observation réelle a eu lieu à la ferme Lachasssagne, à 7 km d'Ussel.
Quant aux réseaux,ils vont beaucoup souffrir des simulations informatiques de Jacques Vallée.
L'agonie de l'orthoténie
Il est curieux qu'Aimé Michel ait défendu sa théorie, bec et ongles, alors qu'il était censé savoir que certains de ses arguments étaient caducs. Curieux aussi que de nombreux ufologues n'aient pas immédiatement réagi aux infirmations successives de l'orthoténie.
Mais peu à peu, il fallut bien se rendre à l'évidence. Les réseaux n'étaient dus qu'au hasard. On ne retrouvait pas dans la presse locale les descriptions du comportement des soucoupes évoquées par Aimé Michel. Les dates étaient fausses. Seul BAVIC résistait encore.
Le coup de grace vint de Michel Jeantheau, qui, ayant dépouillé l'essentiel de la presse française, montra que, pour les cas du 24 septembre, BAVIC n'existait tout simplement pas.
Conclusion
L'orthoténie est un élément incontournable de l'histoire de l'ufologie. Comme un grand espoir décu, selon l'expression de Jacques Scornaux, elle ne nous a pas montré ce que nous cherchions.
Par contre elle nous a montré ce que nous ne cherchions pas: le rôle de la psychologie des chercheurs, le rôle de l'autorité, en particulier dans le cas d'Aimé Michel, dont personne n'a songé à ontester l'autorité, alors qu'on avait les moyens de savoir qu'il avait fraudé.
Cela nous a-il servi de leçon? On peut en douter quand voit que d'autres théories diagrammomaniaques ont pris la relève.
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